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Jeanette Lewis

Récipiendaire : février 2003

Considérée par ses pairs travailleuses et travailleurs sociaux comme chef de file au sein de la profession, Jeanette Lewis est actuellement directrice générale de l'Association ontarienne des sociétés d'aide à l'enfance et est travailleuse sociale depuis plus de 30 ans. Après avoir obtenu sa M.Serv.Soc. de l'Université McGill en 1971, elle a débuté sa carrière dans le domaine de la santé mentale, et a ensuite élargi son champ d'action pour y inclure le bien-être de l'enfance. Jeanette a récemment été interviewée à l'occasion de la Semaine du travail social, qui a pour thème : « Le travail social : Une profession exceptionnelle ».

Lorsqu'on lui a demandé ce qui d'après elle constituait un chef e file, que ce soit dans le travail social ou dans un autre domaine, Jeanette a répondu que la « vision » était un attribut clé. Selon elle, il est essentiel qu'un chef de fil ait une vaste vision du monde afin d'être une source d'inspiration et de canaliser les énergies de tous en vue d'atteindre un objectif commun. Elle a souligné qu'en outre, un chef de file doit pouvoir faire preuve d'introspection et se permettre d'être humain et de commettre des erreurs. Le leadership n'est pas simplement une question de structure. En fait, le leadership basé sur des valeurs ou leadership éthique suppose l'équité, l'honnêteté, la justice et la ténacité. Elle a indiqué sa fierté d'appartenir à une profession qui cherche à transformer le monde, et ce sentiment d'apporter quelque chose de plus et de se mettre au service des autres peut être à la fois une source d'inspiration et un soutien. Elle pense qu'un autre attribut essentiel est la force personnelle et le courage moral de faire face, de s'exprimer ouvertement et de poursuivre sa tâche en étant convaincu de son importance. 

Jeanette a remarqué que, depuis le début de sa carrière, la profession de travailleuse et travailleur social a connu non seulement une croissance de ses membres mais a aussi de sa base de connaissances. La diversité au sein de la profession est fascinante, allant des généralistes à une extrémité à des spécialistes très poussés à l'autre. S'il y a eu moins de croissance dans certains domaines, comme le développement communautaire, le même potentiel de croissance existe dans ces domaines. 

Jeanette Lewis croit fortement que les travailleuses et travailleurs sociaux doivent redécouvrir les compétences qu'il faut pour devenir de meilleurs intervenants et des porte-parole efficaces pour leur clientèle de plus en plus diversifiée. Une manière d'avoir des pratiques plus compétentes sur le plan culturel sera d'avoir des travailleurs sociaux qui reflètent eux-même la diversité de la clientèle au service de laquelle ils travaillent. Elle a fait remarquer que les sociétés d'aide à l'enfance essaient d'arriver à un meilleur équilibre des sexes au niveau du leadership, mais qu'il reste de grands efforts à faire dans tous les domaines du travail social pour que les leaders représentent davantage la diversité raciale, ethnique et culturelle. Elle a proposé que la profession étudie différents modèles pour atteindre ce but, en créant par exemple des programmes d'apprentissage pour aider les nouveaux travailleurs sociaux à perfectionner leurs compétences. L'enseignement à
distance présente une autre solution possible. Puis, il faut prêter attention au fait qu'il pourrait y avoir de nombreuses personnes qui sont aptes à exercer la profession mais qui, pour des raisons économiques et familiales, ne peuvent se permettre de prendre des congés pour préparer un diplôme en travail social. Alors que l'on enregistre des pénuries similaires à celle de la fin des années 1960, il sera important pour la profession d'examiner une fois de plus comment il est possible d'aider les gens à obtenir des qualifications en travail social, afin de mieux refléter la diversité de la population desservie et de retourner aux racines de la profession qui consistent à intervenir au nom des clients. 

En ce qui concerne le rôle des travailleurs sociaux comme intervenants, Jeanette a souligné que les travailleuses et travailleurs sociaux doivent accroître leurs compétences pour influencer les personnes qui occupent des postes d'autorité. Elle a rappelé avec force que les travailleuses et travailleurs sociaux doivent avoir le courage moral de s'exprimer ouvertement sur les questions importantes et détenir les compétences qu'il faut pour présenter des questions et aider les gens à les comprendre, pour intervenir en leur nom grâce à un meilleur marketing des messages essentiels d'honnêteté, de justice et d'équité pour tous. 

Jeanette fait remarquer que la profession a un important défi à relever, à savoir le dénigrement dont le travail social et les travailleuses et travailleurs sociaux font souvent l'objet dans les médias. Tandis que la profession s'est accrue en nombre et en capacité, cette croissance ne s'est pas traduite en une plus grande estime de soi ou en reconnaissance positive.

Jeanette a aussi souligné qu'il est nécessaire de rendre la profession de travailleuse et travailleur social plus attrayante pour les jeunes. Se rappelant que lorsqu'elle a débuté dans cette carrière, on avait l'impression « qu'on allait changer le monde », elle se demandait si ce sentiment d'espoir et d'enthousiasme est transmis aux futurs travailleuses et travailleurs sociaux. Elle a fait remarquer que le travail social n'est pas au premier plan des professions choisies par les jeunes, ce qui fait qu'il est d'autant plus difficile de savoir comment transformer l'image de la profession pour que celle-ci attire les jeunes et leur permette de réaliser leurs rêves d'un monde meilleur. Pour ce faire, il est important de montrer que la profession s'intéresse à des questions contemporaines qui tiennent à cœur aux jeunes, comme l'environnement. Elle a fait remarquer que certains organismes visaient la nouvelle génération de travailleuses et travailleurs sociaux dans leurs campagnes de recrutement en utilisant des phrases comme celles-ci : « Recherchez-vous l'aventure? »    « Cherchez-vous à changer quelque chose? » et « Aimeriez-vous changer le monde? » Cependant, l'esprit d'aventure en soi n'est pas suffisant... les personnes qui s'engagent dans le travail social devront également posséder de fortes aptitudes en relations humaines ainsi qu'un bon sens de l'observation et de bonnes aptitudes pour l'écriture, or cette combinaison de talents n'est pas toujours facile à trouver.

Pour s'assurer que la profession ne perd pas ses cliniciens chevronnés, Jeanette Lewis a rappelé que nous devons appuyer et récompenser les travailleuses et travailleurs communautaires et de première ligne qui désirent demeurer en pratique avec intervention directe. Il est nécessaire de réexaminer les échelons de carrière traditionnels dans le travail social, où la promotion de carrière consiste à devenir superviseurs ou chefs de service, rôles qui ne conviennent pas nécessairement à tous et à toutes. 

Jeanette a conservé sa passion pour le travail social et attribue cela à ce que sa carrière lui apporte en retour : un sentiment d'exaltation qu'elle ressent chaque jour, le rythme accéléré de son travail, la stimulation de voir ce que font les autres travailleuses et travailleurs sociaux, ainsi que le sentiment de satisfaction de rendre service aux autres. Elle a mentionné comme exemple dans le bien-être à l'enfance la fierté que ressent la travailleuse ou le travailleur social en voyant des enfants devenir des adultes accomplis parce qu'on les a aidés à renforcer leur confiance en soi. Cela permet de raviver l'enthousiasme pour le travail social. 

Jeanette Lewis est un chef de file en travail social, une source d'inspiration, une passionnée et une visionnaire. Célébrez la profession exceptionnelle de travailleuse et travailleur social pendant la Semaine du travail social, du 3 au 9 mars 2003, et pendant toute l'année.