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Judy Finlay


Récipiendaire : février 2004

Au cours de l'été 2003, Judy Finlay, intervenante en chef du Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille de l'Ontario, a fait la une des grands journaux et des informations télévisées dans tout le pays. Alors que l'autonomie de son Bureau faisait l'objet d'attaques, elle soulignait l'importance d'accorder une voix indépendante aux enfants et adolescents de la province. En défendant ardemment le rôle de son Bureau, elle a reçu un appui sans précédent de la part du public, de ses pairs et, plus important encore, des adolescents qui profitent de cette assistance. La présente interview a été réalisée avant la Semaine nationale du travail social que l'on célèbre du 1er au 7 mars 2004 et qui a pour thème « La justice sociale : le travail social en action »

Judy a commencé sa carrière dans les services sociaux en tant que parent de foyer de groupe dans une agence de protection de l'enfance à l'âge de 19 ans et a travaillé avec des enfants depuis lors dans un certain nombre d'organismes et à différents titres. Ayant obtenu sa maîtrise en service social en 1984, elle prépare en ce moment un doctorat en service social à l'Université Wilfrid Laurier, spécialisé dans la violence entre pairs. Elle a entrepris ces dernières études pour pouvoir appliquer plus efficacement la méthodologie de la recherche à son travail d'intervenante. Elle a trouvé l'expérience extrêmement précieuse.

Judy Finlay a toujours été très engagée dans les initiatives d'action sociale. Elle est l'un des membres fondateurs de Women's Community House, maison de transition pour les femmes et les enfants à London. Elle a également enseigné l'exercice du travail social axé sur la théorie de l'action sociale pendant deux ans dans une université australienne. En outre, elle a mis sur pied un programme de traitement de cas d'agression sexuelle dans le Grand Nord dans le but de lancer la conversation sur un sujet par ailleurs encore tabou. Elle a donné des consultations à une coalition d'agences dans les communautés rurales pour qu'elles puissent affronter ensemble la question de la violence familiale Au cours de sa carrière, elle a vu le travail social évoluer, s'éloignant de ses racines de développement communautaire pour devenir davantage une pratique professionnelle. Elle se réjouit de l'importance accordée aux compétences cliniques et se sert de ces connaissances dans tous les aspects de son travail quotidien. Elle craint que, d'une certaine manière, les travailleurs sociaux ne deviennent des agents de l'État dans les domaines du bien-être à l'enfance, des soins institutionnels, de l'éducation, du maintien du revenu, du milieu hospitalier et d'autres. Selon elle, il est important d'être conscient de ce développement, de manière à ne pas supprimer l'aptitude de la profession à exercer une influence pro-active au nom des clients et de la collectivité dans son ensemble. Nous ne devrions jamais perdre de vue l'identité du client, lorsque nous fournissons un service dans le contexte de bureaucraties plus vastes. 

Judy a indiqué qu'étant donné la concurrence accrue pour des ressources plus faibles dans le domaine des services sociaux, il semblerait qu'une attitude mesquine se soit développée récemment dans la société à l'égard des vulnérables, en même temps qu'un affaiblissement du sentiment de responsabilité communautaire. Ce sont les travailleuses et travailleurs sociaux qui ont la capacité de porter ces questions au grand jour et d'aider à redéfinir ce qu'on entend par « collectivité ». Pour cela, elle a indiqué que l'enseignement du travail social devra accorder une plus grande place à l'intervention. Elle a noté que l'étude sectorielle menée dans tout le Canada, il y a deux ans, avait fait ressortir une lacune dans ce domaine. Elle a indiqué qu'un autre défi pour la profession vient du fait que le sexisme existe encore dans le travail social : les hommes occupent des postes de cadre en nombre disproportionné dans les domaines des politiques et de l'administration, alors que les femmes occupent traditionnellement des postes de première ligne. Elle estime qu'il faut se pencher sur le sexisme pour que les femmes aient de meilleures chances d'influer sur l'élaboration et la reconstruction de la politique sociale. 

Quand on lui a demandé de définir ce qu'est pour elle un leader en travail social, Judy Finlay a indiqué un certain nombre d'attributs clés, entre autres avoir une passion pour les causes à défendre, avoir une vision et la capacité de formuler cette vision, et servir de modèle. Pour elle, le travail social et plus particulièrement l'intervention, n'est pas une compétence ou un outil, mais plutôt un style de vie. Elle a également souligné l'importance d'avoir le courage de ses convictions pour mener des initiatives de changement, particulièrement dans le domaine de la justice sociale. Modifier le statu quo exige de la détermination et une force personnelle. Elle a expliqué que, parfois, les principes doivent passer avant les intérêts personnels. À son poste, elle a, dit-elle, un groupe de pairs limité, ce qui explique la raison pour laquelle elle a été particulièrement émue par les réactions lorsqu'elle s'est battue pour la création d'un poste indépendant d'Intervenant(e) en faveur de l'enfance. Alors qu'elle n'avait aucune hésitation à défendre avec force les enfants et de leur famille, malgré les répercussions personnelles potentielles qu'elle encourait, elle a été frappée par le grand nombre d'organismes et d'individus qui lui ont manifesté leur soutien. 

Judy a fait remarquer que le plus grand défi pour les travailleuses et travailleurs sociaux est de ne jamais oublier qui est le client. Elle a souligné qu'il est essentiel que la profession ne perde pas de vue sa base de valeurs et ses racines qui sont le développement communautaire et l'action sociale. Elle a incité les travailleuses et travailleurs sociaux à avoir le courage de s'élever contre les systèmes et les bureaucraties au sujet d'initiatives de politiques et de pratiques qui touchent les vulnérables. Parlant de son expérience personnelle, elle a reconnu qu'il est très difficile de se battre contre de telles causes en solitaire. Des tentatives peuvent être prises pour viser ou réduire ces efforts. Cela souligne l'importance d'identifier ses alliés, de soigner ses alliances, de former des coalitions et de générer des voix multiples. 

Judy Finlay n'a pas de difficulté à rester passionnée au sujet de son travail. Ce sont les enfants, dit-elle, qui lui permettrent de rester connectée; elle trouve leur passion contagieuse et en restant constamment en contact avec eux, cela ne fait que renforcer sa vision. Chaque fois qu'elle se sent découragée ou anxieuse, elle va parler aux enfants et adolescents et leurs réactions lui redonnent courage. Par ailleurs, elle souligne l'importance de jouer le rôle de l'historien et d'inventorier les succès pour faire preuve de courage en l'avenir et pour maintenir la vivacité et l'énergie dans son travail. 

Judy Finlay est un leader en travail social qui a une claire vision et un engagement profond envers la défense du travail social. Pendant la Semaine nationale du travail social et pendant toute l'année, mettez à l'honneur les travailleuses et travailleurs sociaux qui font la démonstration du travail social en action en recherchant la justice sociale.