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Dre Akua Benjamin


Récipiendaire : février 2005

Dre Akua Benjamin, Ph.D., a été travailleuse sociale toute sa vie à divers titres, tant officiels que non officiels. Présentement, directrice de l'École de service social de l'Université Ryerson à Toronto, elle a commencé sa carrière « officielle » en travail social après avoir obtenu son diplôme de l'Université de Toronto au début des années 1980. Après avoir occupé des emplois dans les domaines du travail social psychiatrique et de la toxicomanie, elle enseigne à l'Université Ryerson depuis 1988. La présente interview a été menée juste avant la Semaine nationale du travail social qui a lieu du 7 au 13 mars 2005 et qui a pour thème : « Les travailleuses et travailleurs sociaux : célébration de la collectivité et mise en valeur de la diversité »

Akua, comme elle préfère être appelée, s'est lancée dans le travail social, s'étant intéressée toute sa vie au développement communautaire et à la promotion des droits de la personne. En tant qu'éducatrice en travail social, elle a enseigné des cours sur la pratique communautaire, le travail de groupe, la lutte contre l'oppression, les questions sociales et de diversité ethnique, la communication interculturelle, et les familles dans les Caraïbes. Les sujets de recherche et le travail communautaire qui lui tiennent à cœur sont la lutte contre le racisme et la criminalité, la condition féminine, l'équité, la lutte contre l'oppression, les droits de la personne, et autres questions de justice sociale s'y rapportant. Activiste de longue date dans la communauté noire de Toronto, elle a beaucoup travaillé avec les coalitions qui se concentrent sur le changement constructif social, économique et politique, et elle est à l'heure actuelle membre de l'équipe de gestion d'un projet qui étudie l'impact du racisme, de la violence et de la santé sur les Canadiens-Africains et leur famille. 

Selon Akua, le travail social en tant que profession a évolué régulièrement au fil des ans et a concentré son champ d'action sur certains domaines qui sont devenus des secteurs traditionnels de l'intervention des travailleuses et travailleurs sociaux (par exemple, la gérontologie, la toxicomanie et l'aide sociale à l'enfance). Elle fait également remarquer que certains domaines comme les services d'établissement pour les nouveaux arrivants se sont développés. Elle se dit préoccupée, cependant, par l'érosion que l'on constate dans le domaine du développement communautaire, étant donné tout particulièrement que de nombreux organismes communautaires font constamment l'objet de compressions budgétaires. Elle pense sincèrement que la profession de travailleur social doit rehausser son image de marque dans le domaine des questions d'aide sociale. Elle estime qu'il est indispensable que le travail social renforce sa visibilité : « Nous avons besoin d'un visage public, nous avons besoin d'une voix publique. » Elle demande également aux travailleuses et travailleurs sociaux d'être moins réactifs et plus proactifs : « Planifiez, prévoyez et soyez stratégiques. Notre mission porte sur la justice, la transformation, l'équité et la paix, et sur les personnes qui veulent réaliser leur plein potentiel; soyons proactifs pour mener à bien cette mission. » 

Akua fait remarquer que les leaders ne sont pas des personnes qui ne doivent leur situation qu'à elles-mêmes : « Avoir un poste de dirigeant ne fait pas de vous un leader. Les leaders sont identifiés par une communauté. » À son poste de directrice de l'École de service social, elle a l'impression de pouvoir apporter une contribution par sa recherche, son influence sur le programme d'études, ses contacts avec les étudiants, et sa participation à la collectivité. Selon elle, être un leader c'est prendre des risques, changer pour le mieux, mettre en question les structures et les processus, aborder à une question et la traiter à fond. Elle souligne qu'un leader a la responsabilité de faire quelque chose d'incomparable dans la société : « On vous identifie à un leader lorsqu'on reconnaît que vous apportez des changements importants. » 

« Le travail social fait face à de nombreux défis et obstacles », dit Akua. Elle pense que les travailleuses et travailleurs sociaux ont une vocation unique et, ayant reçu une formation spécialisée, ils répondent à un besoin qui ne peut être satisfait par aucune autre profession des services à la personne. Elle est persuadée qu'en présence d'enjeux mondiaux comme les catastrophes environnementales, le VIH/SIDA, la guerre et le racisme, entre autres, il est essentiel que le travail social soit vraiment en première ligne. Elle fait remarquer les équipes d'intervention en cas de crises par exemple - et dit que le public n'est pas conscient que les travailleuses et travailleurs sociaux sont un élément essentiel des équipes de gestion de crises. Elle souligne qu'il faut un grand nombre de travailleuses et travailleurs sociaux dans les écoles pour pouvoir faire du travail préventif au lieu d'être appelés pour gérer des crises après coup. Elle se demande par exemple pourquoi nous n'avons pas de travailleuses et travailleurs sociaux dans les aéroports. Le besoin est tellement grand, étant donné qu'un grand nombre d'immigrants et de réfugiés arrivent à Toronto; or, il n'y a pas de travailleurs sociaux au service d'immigration. La profession doit, selon elle, aller au-delà des domaines traditionnels et devenir visible dans d'autres facettes de la société moderne. 

La passion qu'Akua porte au travail social remonte à son enfance. Elle se souvient du travail bénévole dans la communauté, auprès des femmes dans les prisons et des enfants ayant un handicap physique ou affectif. Sa passion a mûri pour devenir un élément de sa vie professionnelle et de son travail communautaire. Elle fait remarquer que c'est ce qui la définit et ce qui la définira toujours : « Je regarde le monde à travers le prisme du travail social ». Elle pense que le travail social est une vocation car, dit-elle, la plupart des gens qui choisissent cette profession, « ce n'est ni pour l'argent, ni pour le statut - les gens deviennent travailleuses ou travailleurs sociaux parce qu'ils veulent réduire la souffrance humaine. » 

Akua pense que les travailleuses et travailleurs sociaux ont un rôle important à jouer en affrontant les principaux enjeux qui se présentent à la société d'aujourd'hui : celles des sans-abri, de la pauvreté des enfants, des mauvais traitements, de la toxicomanie, du racisme. Elle dit enfin : « Les travailleuses et travailleurs sociaux ont une énorme contribution à apporter au sujet des questions structurelles plus vastes. Nous devons étudier comment il est possible de traiter les besoins de la personne sur une base individuelle, mais il est essentiel également que nous étudiions en profondeur les questions systémiques si nous voulons les prévenir et les éliminer. » 

Dre Akua Benjamin est un leader en travail social - elle prend des risques et apporte quelque chose d'incomparable. Célébrons la collectivité du travail social et mettons en valeur sa diversité pendant la Semaine du travail social, du 7 au 13 mars, et pendant toute l'année.